l’APFP communique les chiffres de la production des films publicitaires
Explications en détail par son président Julien Pasquier
L’association des producteurs de films publicitaires, l’APFP, présidée par Julien Pasquier, publie pour la première fois depuis de nombreuses années une étude chiffrée rendant compte de la réalité et de l’importance du secteur dans la production de films dans son ensemble.
À partir du croisement des données provenant de 3 sources, une enquête réalisée par huissier auprès de ses membres qui représentent une grande partie des producteurs de films publicitaires, les chiffres détenus par les sociétés d’assurances des entreprises du secteur et ceux du 2e panorama de l’économie de la culture et de la création publié fin 2015 d’après une étude menée par Ernst et Young, l’APFP révèle les chiffres relatifs à la production de films publicitaires en France en 2014 :
– chiffre d’affaires de la production publicitaire = 403 millions dont 50 % réalisé par les adhérents APFP
– prix moyen par film : 280 000 euros
– nombre de films : 1 428
– nombre d’emplois intermittents : 15 020
– nombre de permanents : 250
– taux de délocalisation : 33 % dont 62 % pour les membres de l’APFP
Julien Pasquier, président de l’APFP depuis 5 ans, producteur chez Standard, apporte son éclairage sur cette étude et ses résultats ainsi que sa finalité pour la profession.
– En quoi cette étude chiffrée est-elle singulière voire « historique » ?
Il n’y avait pas jusque-là des marqueurs réalistes de la production publicitaire. Pub ID via l’ARPP nous donne des chiffres mais sans différentiation entre les formats, un film peut avoir 3 ou 4 montages différents, dès que le film est modifié cela correspond à un nouveau numéro. Audiens publie des chiffres sur le secteur mais il englobe toutes les entreprises du secteur comme les films institutionnels privés. D’autres sociétés comme Kantar ont également des chiffres mais pas spécifiquement sur notre secteur. Les films uniquement digitaux étaient inexistants.
– En quoi est-ce important ? Et qui va en bénéficier ?
Cela fait maintenant 5 ans que je suis président de l’APFP, j’ai dû partir avec très peu d’informations sur notre secteur. J’ai engagé beaucoup de travaux de fond pour défendre la production de films publicitaires indépendante et à chaque fois les chiffres clés du secteur me bloquaient dans mes actions. La représentativité de l’APFP était déjà confirmée mais les chiffres nous donnent le poids nécessaire pour faire avancer les choses. C’est en partie grâce aux membres de l’APFP que nous pouvons aujourd’hui publier ces chiffres, dont tous les acteurs du secteur vont bénéficier, l’État, les différentes institutions concernées, les annonceurs, les agences, les producteurs, les industries techniques.
– Quelles sont les perspectives apportées par cette étude ?
Ces chiffres 2014 ne sont que le début. Nous avons maintenant la méthode et les partenaires. Ces chiffres vont permettre d’analyser vraiment notre secteur, et de se projeter, de prévoir et d’investir. Il était tout à fait incroyable qu’un tel secteur ne bénéficie d’aucun chiffre. Nous allons dès l’année prochaine sortir les chiffres par période ce qui permettra à tous de faire face aux différentes périodes d’activité et nous aider à réguler la production. Je pense évidemment aux producteurs, aux industries techniques et à tous les prestataires qui doivent assumer ces périodes qui sont parfois creuses et parfois très encombrées. La multiplication des supports entre la TV, le digital et plus marginalement le cinéma rend le travail de chiffrages très difficile.
– Quels constats dresser au regard des chiffres de cette première édition ?
- Le chiffre d’affaires : 403 millions d’euros
Les chiffres annoncés jusque-là de manière subjective parlaient de 250 millions ! Avec 403 millions d’euros pour la partie production, nous représentons près de 40 % du secteur de la production cinématographique (sur un total en 2014 de 1 022 millions d’euros).
Ce montant est important car les pouvoirs publics ne considèrent que très peu le secteur des films publicitaires. Cela va être déterminant dans les combats que nous avons à mener.
La deuxième information importante est que les membres de l’APFP représentent à eux seuls près de 50 % du secteur. Nous sommes donc incontournables dans les décisions qui doivent être prises et sommes la seule organisation représentative. Nous défendons les intérêts de la production indépendante et sommes les seuls.
- Le coût moyen d’un film : 280 000 euros
Ça représente une baisse alarmante de près de 30 % du coût par film, par rapport aux chiffres 2013 et 2012 (non publiés car incomplets). C’est une baisse très forte qui n’est pas compensée par la baisse du coût de fabrication. L’application de la convention collective sur la partie salariale, le développement des moyens techniques et la diminution des délais de livraison des films ont fortement augmenté ce coût. L’investissement des annonceurs n’est pas en phase avec les attentes, ils subissent eux-mêmes de fortes pressions pour baisser leurs coûts de communication mais paradoxalement veulent produire plus de contenus pour des coûts plus bas. Cela pousse à des aberrations économiques comme la délocalisation, la pression sur les prestataires, les trop grosses amplitudes horaires de travail. Et la qualité des films s’en ressent fortement. En tant que producteurs nous devons évidemment être les premiers à trouver des solutions car nous sommes au cœur de la fabrication et du développement des talents.
- Le nombre d’intermittents : 15 020 et de permanents : 250
Ce chiffre élevé de techniciens et permanents qui travaillent sur des films publicitaires, même si nous pouvons constater une très forte délocalisation, nous permet d’interpeler les pouvoirs publics sur l’importance de notre secteur. Nous sommes actuellement en négociation avec les partenaires sociaux sur l’extension d’un avenant de la convention collective qui aujourd’hui ne défend en rien nos spécificités. La production publicitaire permet le développement et la survie des talents comme les réalisateurs, les techniciens, les artistes et les industries techniques.
- Le taux de délocalisation des productions : 33 %
Ce taux, qui atteint 62 % pour les membres de l’APFP, est très inquiétant, même si la délocalisation n’est pas systématiquement du fait du coût du travail en France mais aussi des impératifs calendaires, il est difficile de tourner un film en extérieur de novembre à avril et aussi du fait des lieux de tournage que nécessitent les projets. Néanmoins nous notons une forte hausse des tournages en Belgique et en Espagne, des pays attractifs sur les coûts du travail et les amplitudes légales de travail.
Nous demandons aux annonceurs de favoriser les tournages en France et notamment ceux dont l’État est actionnaire. C’est une triple peine que de tourner certains films dans ces pays : perte d’emplois (technicien, comédien,…), compensation par l’État avec des indemnités chômage et enfin pénalisations des industries techniques cimentées sur le territoire.
– Cette étude est l’occasion de mieux connaître l’APFP. Pourquoi l’APFP n’a pas plus communiqué jusqu’à présent ?
Je suis président de notre syndicat depuis fin 2011. J’ai dû gérer des priorités sur le fonds des dossiers. Nous devions nous remettre à la table des négociations de la convention collective, travailler sur un contrat de production, sur les artistes interprètes, sur les relations institutionnelles avec la Ficam, l’UDA, l’AACC et toutes les institutions. Nous avons créé un site www.apfp.tv ouvert à tous pour donner plus de transparence, organiser des rencontres avec les acteurs du secteur. Le syndicat est aujourd’hui dirigé par un bureau de 6 membres et représenté par Xavier Prieur notre secrétaire général. Nous offrons une aide juridique, administrative aux membres. Nous avons des locaux dans lesquels nous organisons nos réunions. C’était pour moi très difficile de communiquer sur nos actions sans chiffres. Nous allons maintenant communiquer beaucoup plus, informer et rassurer les uns et les autres sur notre activité qui est parfois mal comprise.
– Quels sont les sujets d’intervention de l’APFP ?
Ils sont nombreux, la concurrence des productions intégrées aux agences, les droits et devoirs des producteurs, les filières et contrats des artistes, les droits d’auteur, la responsabilité sociale…
Une des plus grandes inquiétudes des membres de l’APFP est que notre modèle économique est aujourd’hui mis en péril par la concurrence des grandes agences de conseil en communication qui créent des départements de production de films publicitaires au sein même de leurs agences. Cette tendance des annonceurs et des agences à « démembrer » les films publicitaires en plusieurs tranches s’accélère depuis une dizaine d’années, c’est notamment le cas de la post-production qui jusqu’à présent restait dans le domaine de compétences des maisons de production. Les agences tentent aujourd’hui de les intégrer, en créant par exemple de véritables filiales, avec leur propre matériel et personnel.
Les producteurs de films publicitaires indépendants ne sont pas de simples intermédiaires, mais sont des maisons de production au sens noble du terme : nous dénichons de nouveaux talents, développons et accompagnons nos réalisateurs tout au long de leur carrière. À côté des films publicitaires, les maisons de production produisent également, et souvent à perte, des courts-métrages, des clips musicaux et des programmes courts qui permettent aux publicitaires de repérer de nouveaux réalisateurs. Les sociétés de production sont le seul véritable laboratoire technique et artistique du secteur.
Cette excellence est recherchée par nos sociétés, non seulement pour être compétitives mais aussi car elles ont pour objectif d’inscrire dans la durée, et au-delà du marché publicitaire, la relation avec les réalisateurs qu’elles représentent.
Or la concurrence menée par les agences conseil, qui bénéficient de l’investissement créatif permanent des sociétés de production sans y participer tout en percevant une part de plus en plus importante de la valeur produite, comporte à terme des conséquences néfastes sur nos investissements et sur la création de l’ensemble du secteur audiovisuel.
Le long métrage Intouchables, produit par QUAD, une société de production de films publicitaires au départ, ou les réalisateurs passés par le film publicitaire comme Michel Hazanavicius, réalisateur du film The Artist et plein d’autres comme Jean Jacques Annaud, Patrice Leconte, Michel Gondry, Pascal Chaumeil, Xavier Giannoli sont la démonstration que la publicité bien produite forme de vrais talents.
– Quelles actions allez-vous entreprendre ?
Avant tout informer ! Nous devons rendre notre métier plus transparent, plus clair sur notre savoir-faire. Le manque de communication est ce qui nous dessert le plus. Pour répondre à ces attentes nous allons mettre en place plusieurs mesures comme la publication d’un mode d’emploi du producteur pour expliquer l’ensemble des droits et des devoirs du producteur, ses compétences et son domaine de responsabilité.
Nous avons aussi en partenariat avec l’UDA et l’AACC rédigé une note pour éclaircir les filières d’engagement des artistes interprètes. Nous avons également des sujets sur les droits d’auteur, les assurances. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de clarifier ces points. Les producteurs de films publicitaires indépendants prennent beaucoup trop de risques et ont une très grande responsabilité morale et pénale.
– Quelle est la place et la position de l’APFP par rapport à la convention collective ?
L’APFP est la seule organisation représentative qui se trouve à la table des négociations de la couverture conventionnelle du secteur. C’est une énorme responsabilité et beaucoup de travail accompli par les producteurs indépendants pour soutenir notre secteur. Nous travaillons pour l’ensemble de la filière et nous avons des sujets fondamentaux pour notre avenir. Nous avons déposé un recours devant le conseil d’état pour dénoncer l’extension de la convention collective qui pénalise fortement notre secteur. Nous attendons la décision dans les prochains mois et sommes par ailleurs encore en négociation avec les partenaires sociaux pour, je l’espère, aboutir à la signature d’un avenant prenant en compte les spécificités de notre secteur.
– Est-ce que la sortie de cette étude marque une étape décisive pour l’APFP ? Dans sa mission ?
La mission de L’APFP est de protéger les intérêts moraux et économiques des membres qu’elle représente face à tous les acteurs et partenaires, institutions et commissions du secteur de l’audiovisuel, en encourageant une politique de soutien volontaire à l’industrie des programmes audiovisuels publicitaires.
Et ce, afin de garantir l’indépendance de ses membres dans l’esprit de l’exception culturelle française, et qui entendent exercer leur métier dans le respect des législations nationales et européennes en vigueur, que ce soit en matière de droit social, civil ou pénal.
Les chiffres présentés aujourd’hui sont le début d’une nouvelle ère pour l’APFP.
Reprendre la main sur la régulation du secteur est de notre devoir de soutien aux producteurs indépendants.